- ANDÉSITES ET BASALTES
- ANDÉSITES ET BASALTESLes andésites sont des roches volcaniques typiques des arcs insulaires et des marges continentales actives de type andin. On les rencontre associées dans ces zones à des basaltes riches en alumine (arcs insulaires) ou à des laves plus acides de type dacites ou rhyolites (marges continentales). Leur mise en place s’accompagne souvent de phénomènes explosifs violents et dangereux (nuées ardentes). Leur origine est intimement liée à la structure géophysique des zones de subduction: enfoncement d’une plaque lithosphérique océanique sous une autre plaque de nature variable, continentale (Amérique du Sud) ou océanique (arcs de l’ouest du Pacifique).Les basaltes sont des roches d’origine profonde qui sont émises à l’état fondu aux alentours de 1 200 0C et qui cristallisent en un mélange de plagioclases et de pyroxènes. Ce sont les constituants essentiels des lithosphères océanique et continentale. Cette répartition universelle jointe à une grande constance de composition pose le problème de leur origine et de leur évolution.Le terme a déjà été utilisé par Pline l’Ancien pour décrire une roche «noire et dure» d’Éthiopie «quem vocant basaltem », ce qui rend plausible la dérivation à partir de l’adjectif bsalt , qui signifie cuit, en éthiopien ancien.1. AndésitesLes principaux typesLes andésites représentent les termes intermédiaires de séries volcaniques saturées ou sursaturées en silice, de type calco-alcalin ou tholéiitique d’arc; leurs teneurs en silice varient de 52 à 63 p. 100. On distingue généralement les andésites basiques ou basaltiques (SiO2: de 52 à 57 p. 100) des andésites stricto sensu ou andésites acides (SiO2: de 57 à 63 p. 100). Sur le plan minéralogique, la principale variation observée réside dans l’absence ou la présence de phénocristaux d’amphibole de type hornblende, qui permet d’opposer les andésites à deux pyroxènes (ortho- et clinopyroxène) aux andésites à hornblende. Enfin, les andésites des marges continentales actives (type andin) diffèrent de celles des arcs insulaires par plusieurs caractéristiques géochimiques, notamment par leurs teneurs plus importantes en potassium, et surtout en baryum et rubidium.En minéralogieLes andésites sont en général des roches très porphyriques, contenant de 20 à 50 p. 100 de phénocristaux (tabl. 1). Parmi ceux-ci, dominent les plagioclases calciques, de taille souvent plurimillimétrique, avec une zonation très marquée à caractère souvent oscillatoire. Leurs teneurs en anorthite varient en effet de 90 p. 100 à 40 p. 100 dans les andésites basaltiques, de 80 p. 100 à 30 p. 100 dans les andésites stricto sensu. Les phénocristaux d’olivine sont généralement peu abondants, et se rencontrent surtout dans les andésites basiques. La coexistence de phénocristaux d’orthopyroxène et de clinopyroxène de type augite est caractéristique des andésites, dans lesquelles on rencontre également presque toujours de petites quantités de magnétite. Plus sporadiquement, sont présents en phénocristaux, l’amphibole de type hornblende, souvent accompagnée par la biotite, ainsi que le quartz. La pâte des andésites est composée de plagioclases plus sodiques que les phénocristaux, de clinopyroxènes, d’orthopyroxènes et de magnétite; il s’y adjoint parfois de l’ilménite, de la tridymite ou de la cristobalite. Le verre résiduel, de composition dacitique à rhyolitique, est généralement peu abondant.La séquence de cristallisation courante des andésites fait succéder à l’apparition des spinelles celle de l’olivine et de l’orthopyroxène, suivis du clinopyroxène et du plagioclase. Lorsque l’amphibole est présente, elle cristallise conjointement avec les plagioclases, et l’apparition des pyroxènes se fait alors plus tardivement.En géochimieDu point de vue des éléments majeurs, les andésites se caractérisent par des teneurs élevées en calcium et aluminium et faibles en titane. Leur rapport Mg/(Mg + Fe), souvent voisin de 0,5, est cependant susceptible de larges variations; le rapport Fe23/FeO, généralement élevé, témoigne d’une évolution sous fortes pressions d’oxygène. La différenciation des séries andésitiques se traduit par une augmentation rapide et régulière des teneurs en silice et en potassium, et une décroissance du fer, du magnésium et du calcium, et, à un degré moindre, de l’aluminium et du titane.Par rapport aux laves correspondantes des séries alcalines et des séries tholéitiques de type croûte océanique, les andésites se caractérisent par un net appauvrissement en éléments de transition, et notamment en chrome et nickel (face=F0019 麗 50 p.p.m.) qui décroissent d’ailleurs au cours de la différenciation. Les alcalins et alcalino-terreux (Li, Rb, Sr, Ba) sont beaucoup plus concentrés que dans les basaltes océaniques; les spectres de terres rares montrent un enrichissement en terres rares légères, qui se traduit par des valeurs élevées du rapport lanthane-ytterbium (La/Yb). Enfin, les valeurs des rapports isotopiques 87Sr86Sr, en général de type mantellique dans les andésites d’arcs insulaires (moyenne: 0,703 7), peuvent atteindre des valeurs beaucoup plus élevées (0,705-0,708) dans les andésites des marges continentales actives, suggérant la possibilité d’une contamination crustale.On observe dans nombre de zones de subduction des variations géochimiques systématiques des andésites en fonction de la profondeur du plan de Benioff ; d’autre part, il semble qu’au cours de l’évolution chronologique des arcs insulaires des andésites franchement calco-alcalines succèdent généralement à des andésites de type tholéitique.La mise en placeLes magmas andésitiques parviennent à la surface du globe à des températures de l’ordre de 1 100 à 900 0C; ils sont très riches en fluides (H2O principalement) et leur viscosité est nettement plus élevée que celle des basaltes (en partie à cause de leur richesse en phénocristaux).De nombreuses andésites basiques se mettent en place à la façon des basaltes: elles s’épanchent en coulées généralement assez courtes et épaisses, ou bien se fragmentent en cendres, lapilli, bombes. Le type d’éruption caractéristique des andésites est cependant beaucoup plus violemment explosif, et nombre des volcans les plus redoutables sont de nature andésitique. Un bon exemple de cette activité est fourni par l’éruption, en 1902, de la montagne Pelée (Martinique) qui détruisit la ville de Saint-Pierre (28 000 morts).Les émissions de nuées ardentes, de types divers (type péléen: explosion à la base d’un dôme en formation; type Saint-Vincent: explosion verticale dans un cratère ouvert; type Mérapi: effondrement d’un dôme sans explosion initiale), associées à la croissance dans le cratère de dômes de lave visqueuse, sont caractéristiques de nombreuses éruptions andésitiques.L’origineIl est généralement admis que les andésites dérivent de la différenciation des magmas basaltiques associés (basaltes calco-alcalins et tholéites d’arc), par séparation d’olivine, pyroxènes, magnétite, amphibole et, plus accessoirement, plagioclase; la fusion sous fortes pressions d’eau des péridotites du manteau supérieur pourrait cependant dans certains cas donner directement naissance à des magmas andésitiques.Cette fusion intervient dans le manteau sous-jacent à l’arc ou à la marge continentale, à des profondeurs de l’ordre de 100 kilomètres, au-dessus de la plaque océanique subductée. Il semble que le rôle essentiel de cette dernière réside dans la libération de fluides, issus de sa déshydratation par métamorphisme; ces fluides migreraient dans le manteau sus-jacent, facilitant sa fusion. La participation directe des matériaux de la croûte océanique (basaltes et sédiments associés) à la genèse des magmas ne peut cependant, dans certains cas, être exclue.Les magmas basaltiques, voire andésitiques, ainsi engendrés, traversent le manteau supérieur et la croûte qui le surmonte, avant de s’épancher en surface. Au cours de ce trajet, ils sont habituellement stockés temporairement dans des réservoirs magmatiques, où ils subissent des fractionnements; lorsque la croûte, substratum des volcans, est de nature continentale, elle peut également les contaminer, et même subir une fusion partielle à leur contact (ignimbrites).Une fois épanchées, les andésites s’altèrent avec formation de chlorites et d’épidotes.2. BasaltesCaractères générauxCe sont des roches très sombres où l’on ne distingue guère à l’œil nu que quelques cristaux isolés de pyroxènes noirs ou éventuellement d’olivine jaune. La densité est élevée (voisine de 3), sauf pour les types vacuolaires ou les scories.Au microscope, on constate que la structure est le plus souvent microlitique. Les phénocristaux sont essentiellement de l’olivine, des clinopyroxènes (augite ou solite), des plagioclases calciques et, plus rarement, de la magnétite. La mésostase comprend, outre les minéraux précédents, une quantité notable d’oxydes de fer (magnétite, ilménite) et la quasi-totalité des plagioclases de la roche. Il s’agit le plus souvent de labradorbytownite, plus rarement d’anorthite.La structure doléritique , caractéristique des dolérites, correspond à un refroidissement plus lent que dans le cas des basaltes. Les dolérites ont même composition minéralogique que ces derniers et il n’est pas nécessaire de les en séparer ici.Au laboratoire et sur le terrain, on a obtenu des données précises et concordantes sur la cristallisation des basaltes. Vers 1 200 0C, valeur correspondant à la majorité des éruptions, la roche est entièrement fondue, et le premier minéral à apparaître au-dessous de cette température peut être, suivant les cas, aussi bien un pyroxène qu’une olivine ou un plagioclase. De toute façon, dès 1 150 0C environ, tous les constituants essentiels cristallisent simultanément et le solidus est atteint vers 1 000 0C. Pour un basalte donné, l’écart de température qui sépare l’état solide de l’état liquide ne dépasse pas 140 à 180 0C.Du point de vue chimique, les basaltes ont une composition très constante, ce qui explique bien entendu le comportement précédent. La teneur en silice varie entre 45 et 55 p. 100, et les teneurs en calcium, fer et magnésium sont très élevées, alors que le potassium est presque absent. Cela confère aux basaltes fondus une très grande fluidité et, par voie de conséquence, une grande vitesse de cristallisation: les verres que l’on peut observer ont nécessité une trempe très brutale. À l’analyse on trouve à peu près 0,5 p. 100 d’eau en poids, ce qui semble bien correspondre à la teneur initiale du magma: en présence d’eau sous pression on obtient en effet très vite le remplacement des pyroxènes par des amphiboles, minéraux extrêmement rares dans les basaltes ordinaires. Le problème de l’eau interfère d’ailleurs avec celui des conditions d’oxydoréduction, dont l’influence sur le cours de la cristallisation est sans doute considérable, mais encore peu connue, en raison des difficultés expérimentales.Les grands types de magmas basaltiquesDepuis les travaux de H. S. Yoder et C. E. Tilley (1962), on distingue classiquement les basaltes tholéitiques , saturés ou sursaturés en silice, des basaltes alcalins , sous-saturés en silice (tabl. 2). Les premiers sont de loin les plus abondants et ils apparaissent dans des contextes géologiques très variés. Les tholéites de la croûte océanique représentent le groupe de roches le plus abondant de la croûte terrestre; elles se mettent en place au niveau des dorsales médio-océaniques, et se caractérisent par leur pauvreté en potassium (moins de 0,5 p. 100) et leurs teneurs élevées en éléments de transition (chrome, nickel); elles sont généralement appauvries en terres rares légères, sauf au voisinage des îles, et leur composition isotopique reflète celle du manteau sous-jacent. Dans les zones de subduction (arcs insulaires et marges continentales actives de type andin), les basaltes sont également saturés ou sursaturés en silice, mais ils diffèrent des précédents par leur richesse en alumine et leur appauvrissement caractéristique en titane et en éléments de transition. Leur évolution par différenciation conduit à des andésites; ils contiennent habituellement des phénocristaux d’orthopyroxène, absents des basaltes de la croûte océanique. La géochimie permet de distinguer, dans les zones de subduction, les tholéites d’arcs insulaires des basaltes calco-alcalins et des basaltes shoshonitiques , ces derniers étant enrichis en potassium.Les basaltes alcalins diffèrent des types précédents par leur pauvreté relative en silice (traduite, minéralogiquement, par la présence de feldspathoïdes, l’absence d’orthopyroxène et de tridymite ou cristobalite), leurs teneurs élevées en titane et en alcalins. On les rencontre typiquement dans le volcanisme intraplaque océanique (îles intra-océaniques: Hawaii, Polynésie, Réunion, îles de l’Atlantique), ou bien intraplaque continentale (bombements, fossés d’effondrement, rifts débutants), comme par exemple dans le Massif central français.Conditions de gisementLes coulées de basalte, une fois consolidées, acquièrent très souvent un débit prismatique (orgues, chaussées cyclopéennes...); cela correspond essentiellement au phénomène de rétraction qui accompagne la cristallisation du magma fondu. L’axe des prismes est en général normal aux isothermes de refroidissement. Un grand nombre de volcans isolés ou temporaires ont ainsi émis des coulées basaltiques associées ou non à d’autres laves, mais à l’échelle du globe les grandes accumulations de basalte se ramènent à trois types principaux.Les volcans boucliers , comme à Hawaii ou en Islande, ont un centre éruptif assez bien localisé, d’où irradient des coulées très fluides sur une pente extrêmement faible, de 5 à 8 0. Le Mauna-Loa, qui culmine à 4 000 m et repose sur des fonds de 漣 5 000 m, constitue ainsi le relief le plus considérable de la planète, et son volume est de l’ordre de 200 000 km3. En 1840, une coulée issue de son sommet atteignit la mer en huit jours, soit une avance moyenne de 300 m/h. Localement certaines coulées atteignent des vitesses de 10 et même 20 km/h; leur puissance moyenne est de quelques mètres.Les basaltes de plateau , souvent appelés trapps , correspondent par contre à des éruptions fissurales, comme celle d’Islande qui, en 1783, recouvrit de basalte horizontal une superficie de 565 km2 sur une épaisseur de 20 m, ceci en quelques mois à partir d’une fracture de 25 km de long. Dans l’Idaho, au Dekkan, ainsi qu’au Brésil, en Patagonie ou en Sibérie, de telles «inondations basaltiques» (flood-basalts ) ont recouvert des surfaces de 500 000 à 750 000 km2, avec une puissance de 1 000 à 3 000 m, c’est-à-dire des volumes comparables à ceux des volcans boucliers.Les éruptions sous-marines enfin sont caractérisées par la trempe du magma au contact de l’eau de mer. Le verre ainsi formé est souvent pulvérisé et forme des «hyaloclastites» plus ou moins mélangées à des sédiments. Il peut se former aussi des sortes de balles de lave, enveloppées d’une carapace vitreuse ou vacuolaire, qui se consolident en prenant un aspect radiaire et que l’on appelle «laves en coussin» ou «pillows lavas».Origine des basaltesDe nombreux travaux expérimentaux (A. E. Ringwood, D. H. Green, M. J. O’Hara, I. Kushiro, H. S. Yoder) ont démontré que les magmas basaltiques représentent les produits de fusion partielle des péridotites (lherzolites) du manteau supérieur, à des températures voisines de 1 200 0C et des profondeurs de l’ordre de la centaine de kilomètres, donc à la base de la lithosphère. Les basaltes alcalins résultent de faibles taux de fusion partielle (moins de 10 à 15 p. 100) des péridotites sous des pressions élevées (profondeurs supérieures à 100 km); les basaltes tholéitiques apparaissent lorsque les pourcentages de fusion sont plus élevés (jusqu’à 25 ou 30 p. 100), et sous des pressions plus faibles. Les travaux actuels sont principalement consacrés aux diverses modalités possibles de la fusion, de la nature, plus ou moins magnésienne, des premiers liquides produits, et, enfin, des fractionnements minéralogiques susceptibles de modifier la composition des basaltes au cours de leur ascension. Un rôle important est fréquemment accordé aux hétérogénéités de composition du solide initial péridotitique, constitutif du manteau.
Encyclopédie Universelle. 2012.